La semaine s’annonçait plutôt bien, oscillant au rythme d’une première petite mission professionnelle pour une agence montréalaise et de soirées entre copines pendant que Monsieur était en France pour rendre visite à sa famille. Les jours s’articulaient autour de sessions sur le clavier, de nouvelles découvertes gourmandes et de shopping chaussettes en laine pour contrer le froid qui commence à faire trembler mes orteils dans mes bottines. Comme il est de mise à cette époque de l’année, les arbres des parcs de la ville se déplument de plus en plus, tandis que les écureuils, eux, se remplument en prévision de leur hibernation prochaine. Les pelles et les sacs de sable ont pris leur position aux avant-postes des pharmacies. Mais cette semaine, ce paisible tableau pré-hivernal s’est quelque peu effrité.
La première mauvaise nouvelle est tombée mercredi matin… La pétition que nous avions été des milliers à signer n’a pas trouvé d’écho auprès de la municipalité. Cas de force majeure, depuis la nuit précédente les eaux usées de la ville de Montréal étaient détournées et déversées directement dans le Saint-Laurent pour permettre la réparation d’infrastructures en amont de la station d’épuration. Des milliards de litres d’eau sale et souillée provenant des toilettes, des éviers et des douches de centaines de milliers d’habitants se voyaient rejetées tels quels dans la nature pendant 7 jours. Une situation invraisemblable ! Comment pouvait-on faire ça à quelques semaines de la Conférence sur le Climat ?!
Médusée, il ne me restait qu’à modifier mes habitudes pour limiter, à mon échelle, l’impact de ce déversement dans le fleuve. Pas de lessive pendant une semaine, une douche un jour sur deux, la chasse d’eau tirée tous les 3 pipis et l’utilisation de produit biodégradable pour la vaisselle.
Jeudi, la série noire est montée d’un cran avec ce dramatique attentat au Liban. Une nouvelle triste et toute aussi affreuse que l’événement qui lui succèderait le lendemain à Paris. Mais, ne soyons pas hypocrites, la nouvelle n’a qu’un impact mesuré sur nos émotions d’occidentaux malgré la mort d’une quarantaine de civils. L’info est effroyable, mais le Liban est loin. Loin des yeux, loin du cœur ?
Vendredi, alors que je déambulais parmi les belles œuvres de créateurs montréalais à la vente des Ateliers Capitol avec Marie, le coup de massue est tombé. L’info a jailli simultanément sur un visage abasourdi aux yeux rougis et sur l’écran de mon téléphone. Les messages ont défilé sous mon pouce puis, successivement, les profils Facebook de ces copains et de ces cousins parisiens se sont affichés pour m’assurer que tout le monde, ou plutôt tout MON monde, se portait bien. La situation semblait encore irréelle depuis ce côté de l’Atlantique.
Peu enclines à nous retrouver seules chez nous à voir défiler les nouvelles et les suppositions lâchées sur le vif par les médias, nous avons poursuivi le fil de notre agenda. Nous avions prévu de participer au premier souper vegan de l’épicerie-comptoir biologique Antidote et nous y sommes allées, ne repoussant que de quelques heures mon plongeon dans l’horreur. Le téléphone n’était jamais bien loin sur la table et mes pupilles naviguaient de l’assiette aux notifications. C’est en rentrant, avec un arrière-goût amer dans la bouche et une petite boule au ventre, que j’ai pris la réelle mesure de la tragédie.
Paris, notre ancien quartier, eux, la liberté, la joie de vivre, l’envie de décompresser, l’amitié, l’amour, le week-end, la musique, la diversité, le plaisir de s’en griller une en terrasse, le plaisir de partager un verre, les échanges, les sourires, les rires, la légèreté. Le bonheur et la vie, en résumé. La vie prise pour cible, laissant place au silence et à nos cœurs serrés. Bande d’enfoirés !
Même si la mort fait partie de la vie et n’est jamais juste, depuis vendredi, il est difficile de ne pas penser à ces gens qui ont été au mauvais endroit au mauvais moment, et à leurs proches qui les pleurent à présent. Et en ce lundi matin, égoïstement, j’ai juste envie que l’avion qui ramène Monsieur au Québec arrive le plus vite possible à Montréal, pour que je puisse le serrer fort dans mes bras…
9 commentaires
en effet on n’a qu’une envie après ça serrer très fort tous ceux qui comptent pour nous et leur dire qu’on les aime
Et je dois dire que je ne m’en suis pas privé, quand Monsieur est rentré.
J’avoue avoir eu très envie de rentrer en France pour serrer mes parents dans ma bras, pour dire à ma petite sœur que je l’aime de tout mon cœur, à mon petit frère qu’il me manque au quotidien. Au lieu de ça, j’ai suivi tout ça sur BBC News, la seule chaîne que je pouvais capter de ma campagne anglaise, tout en appuyant sur la touche F5 de mon clavier pour actualiser Twitter. J’ai pleuré aussi, beaucoup, en pensant que ma Maman était à Paris une semaine pile avant les attentats. Elle se promenait Place de la République. A une semaine près, la vie aurait pu prendre une autre direction. J’ai eu de la chance, et j’ai le cœur serré quand je pense à tous ceux qui n’ont pas eu cette même chance. De ce petit bout d’Angleterre d’où je vis, j’ai mal pour Paris. xx
C’est ça qui fait d’autant plus mal et plus peur. Ça aurait pu être chacun de nous… là-bas, ou ici le cœur dévasté par la perte d’un proche.
Des cœurs, c’est bien tout ce que j’arrive à répondre en ce moment. Alors <3
Merci Camille. Je pense que c’est ce dont on a tous besoin en ce moment. Des ♥ et des 🙂 !
Je ne sais pas pour toi, mais être dans un pays étranger (aussi proche la Belgique soit elle de la France) a été très difficile pour moi. Ne pas pouvoir voir mes amis proches, ma famille et surtout être entourée de gens concernés mais pas touché a été particulièrement compliqué, dans ces moments où on ne veut qu’une chose: être entourés de ceux qu’on aime.
J’espère vraiment – même si je n’y crois pas trop – qu’on en a fini pour longtemps avec ces attentats…
Oui je te suis complètement. Ça a été dur de gérer la distance et le décalage horaire. Quand ici il était l’heure d’aller se coucher, de nouvelles infos tombaient en France et je suis restée plusieurs heures l’oreille collée à la radio. Si loin, cela semblait complètement irréel… Jusqu’à ce que je réalise que tous ces amis signalés « safe » étaient au cœur de cette horreur.
Ce besoin de les voir et de les entendre… De les savoir en sécurité ou mieux près de soi… C’est en effet tous ces sentiments qui ont raisonné en moi ce week end ! Bonne semaine, néanmoins…